
Si 10 millions de Français·es n’utilisaient plus leur carte bancaire pendant un mois, cela représenterait « 15 milliards d’euros détournés du système » ou « 6 milliards d’euros évaporés de commissions, trackings… » à en croire certaines publications sur les réseaux sociaux. L’appel à tout bloquer le 10 septembre s’est vite intéressé aux systèmes de paiement. Sans commission sur les transactions par carte, les banques et acteurs financiers perdraient en effet beaucoup. Mais combien exactement ?
Lorsque vous payez par carte en magasin, une commission est facturée au commerce. Cette dernière est ensuite divisée entre la commission que la banque qui reçoit le paiement (celle du commerce) doit payer à la banque qui paie (celle du·de la client·e), les frais du réseau (bancontact/payconiq, visa ou mastercard) et la marge que la banque qui reçoit le paiement se garde.
Chez nos voisin·e·s, avec 48 % des transactions en magasin réalisées par carte et 806 milliards dépensés par carte en 2023, Le Figaro a estimé que si 10 millions de consommateur·rice·s se passaient de carte pendant un mois, 12,3 milliards de dépenses seraient évaporées. Par contre, les frais évoqués plus haut, partagés entre les banques et les systèmes de paiement, ne seraient que de 0,5 % de ce montant, soit environ 60 millions d’euros. Bien loin donc des 15 milliards d’euros évoqués.
En Belgique, le nombre de transactions effectuées en espèces dans les lieux de vente physiques est inférieur à la moyenne de la zone euro, soit 39 % en 2024 selon l’étude SPACE de la Banque centrale européenne. Les statistiques de la Banque nationale de Belgique recensent 3,1 milliards de transactions par carte en magasin en 2024 pour un montant de 95,5 milliards d’euros. En un mois, ce représente 7,95 milliards d’euros payés par carte. Si on considère des frais de 0,5 %, cela représente 39 millions d’euros répartis entre les opérateurs de paiement.
Les soutiens à la grève des paiements par carte avancent aussi le traçage comme raison d’utiliser l’argent liquide. Mais en dehors de l’idéologie, de l’éventuelle traçabilité ou de mouvement de blocage, c’est avant tout l’accès à l’argent liquide qui préfigure de l’utilisation du cash. En Belgique se démarque avec 23 % des répondant·e·s de l’étude de la BCE déclarent qu’il est assez difficile ou très difficile de retirer de l’argent liquide à un distributeur de billets ou dans une agence bancaire. C’est d'ailleurs en Belgique que les particuliers se plaignent le plus du manque de distributeurs. C’est aussi dans notre pays que les entreprises qui refusent les paiements en cash mettent le plus en avant les difficultés rencontrées pour retirer ou déposer des espèces auprès des banques. Choisir de payer en espèces plutôt que parte carte malgré les difficultés pour retirer de l'argent liquide est donc aussi un choix politique.
Pour aller plus loin
Accès et usage du cash en Belgique, où en est-on ?, Anne Fily, Janvier 2025