
« Complexe » et « économiquement irréalisable ». Le conseil d’État balaie le système de portabilité des numéros Iban, manifestement dans l’intérêt du consommateur·rice mais, selon lui, incompatible avec la définition du règlement européen sur les paiements. La Banque centrale européenne, elle aussi consultée, conclut que la possibilité pour un·e client·e de changer de banque sans changer de numéro de compte est techniquement possible, mais probablement trop coûteuse. Mais possible…
Chaque année, la fédération du secteur financier, rend public le nombre de client·e·s qui ont demandé à changer de banque par l'intermédiaire du service de mobilité interbancaire appelé « Bankswitching » : plus de 100 000. Si le chiffre peut paraître important, cela ne représente en réalité pas plus de 0,41 % des comptes à vue et 0,19 % des compte d’épargne.
Le taux de client·e·s qui décident de changer de fournisseur est bien plus élevés dans d’autres secteurs. 18% des assuré·e·s ont changé ainsi d’assureur au cours des années 2021-2023 alors que la procédure reste compliquée. 18,42 % des consommateur·rice·s d’électricité et 19,76 % des consommateur·rice·s de gaz ont changé de fournisseur d’énergie en 2023. En 2024, l’Institut belge des services postaux et des télécommunications a compté que 8,7 % des détenteur·rice·s d’une carte SIM active ont changé de contrat de téléphonie mobile en faisant usage de la procédure de portabilité du numéro. Depuis l’adoption en 2002 de la règlementation relative à la portabilité des numéros mobiles, ce ne sont pas moins de 19,03 millions de numéros de téléphone mobile qui ont été portés au total.
Le niveau élevé de fidélité des Belges à leur banque paraît particulièrement déconcertant alors qu’une part non négligeable de la clientèle n’adhère plus à la politique d’investissement de sa banque ou n’est pas satisfaite de la qualité des services fournis.
Mais le faible taux de mobilité bancaire n’est pas propre à la Belgique. Sous pression de la Commission européenne, le secteur bancaire avait adopté un code de conduite pour le changement de compte bancaire entré en vigueur fin 2009. Sa mise en œuvre a été jugée incomplète et inadéquate. Face à l’échec de cette auto-régulation, la Directive relative au compte de paiement (PAD), adoptée en juillet 2014, a introduit l’obligation pour tous les Etats membres de veiller à ce qu’un service obligatoire de changement de compte soit mis en place. C’est sur cette base qu’a été adopté en Belgique le service de mobilité interbancaire appelé « Bankswitching » qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’a pas vraiment changé la donne.
Une étude commanditée par la Commission européenne sur la mobilité bancaire au sein de l’Union européenne conclut à la faisabilité et à l’efficacité de la portabilité, mais indique que la mettre en place au niveau européen ne serait pas viable compte tenu des coûts de mise en œuvre. En revanche, au niveau national, les coûts de mise en œuvre seront sans aucune mesure bien inférieurs et le nombre de personnes potentiellement intéressées peut être élevé.
Car pouvoir changer plus facilement de banque, c’est aussi faire pression notamment sur les grandes banques afin qu’elles modifient leurs politiques de crédit et d’investissement qui trop souvent encore soutiennent des activités nuisibles pour notre environnement, qui ne sont pas suffisamment respectueuses des droits humains ou qui favorisent la spéculation.
Pour aller plus loin
Lire notre sur la portabilité des numéros de comptes bancaires